Avant que le tocsin

Publié le par Cypora Herzhorn

LODZ PIOTRK 102Il y a bien longtemps, j’ai déserté la terre
Où, hélas, mes parents n’ont connu que tourments.
Pourtant, si ont passé autant d’années lumières,
Je n’aspire, à présent, qu’à revivre l’antan.

Si j’ai vécu ailleurs jusqu’à l’ultime angoisse,
Toute ma vie durant, j’ai rêvé d’en partir
Et retrouver, là-bas, les voix, les pas, les traces
Que j’ai laissé, jadis, avant de les dédire.

Puis, j’ai vu la maison de mes jeunes années,
J’ai foulé, à nouveau, les trottoirs de ma ville,
Et mes sanglots ont point aux souvenirs scellés
Dans ma tête et mon cœur : tous mes jeux puérils…

Et, malgré ma venue dans ces lieux innommables
Où tant d’êtres meurtris ont péri dans ce camp,
Malgré mon désarroi devant l’insoutenable,
J'aimerais, cependant, remonter le courant

Pour frayer, à nouveau, au lit de la rivière,
Celle-là où, jadis, j’ai fait mes premiers pas,
Y rebaigner ma vie en domptant ma colère,
Endiguant tout le fiel qui coulait jusque là.

Aujourd’hui, on est deux à vouloir s’en aller...
Puisque l’amour nous lie en feu et en ferveur,
Avant que le tocsin ne s’en vienne à sonner,
Je veux qu’encor nos vies chantent d’autres couleurs :

L’orangé des couchants et les bleus de la mer,
L’indigo des matins, de la neige le blanc,
Avant d’abandonner nos vérités dernières
A l’étreinte empressée et avide du temps,

Sous l'étincellement de la voûte étoilée,
Qu’en des champs labourés en chemins de traverse,
Nous parcourions encore un peu la voie d’aimer
Pour en cueillir les fleurs... tout le temps qu'il nous reste.

 

© extrait de J’AI CONJUGUE LE TEMPS - ISBN N°  978-2-9538961-1-4  

Publié dans POEMES

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